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Ancinnes: Resistance et Libération dans la Seconde Guerre Mondiale
Ancinnes dans la Seconde Guerre Mondiale
1. Le Centre de Résistance d'Ancinnes
2. La Libération d'Ancinnes 11 août 1944
3. Bibliographie
1. Le Centre de Résistance d'Ancinnes
L'HISTOIRE DU GROUPE DE RESISTANTS D'ANCINNES ET LE PARACHUTAGE DE JUIN 1943
Plan des lieux principaux du parachutage
- "la Valtaurine" - zone de parachutage 14-15 Juin 1943
- "la Garenne" dans le "Bois de Vaubezon" - la cachette dans laquelle les munitions ont été transportés
- "Vaubezon" - la ferme du Comte Arthur de Montalembert
La section française de l'Exécutif britannique d'Opérations Spéciales (SOE) était sous la commande du Colonel Maurice Buckmaster à Londres. Le Major Francis Suttill était parmi les officiers britanniques envoyés en France pendant l'Occupation allemande, afin de créer des groupes et des centres de résistance et de fournir des armes et des munitions. Son nom de guerre était "Prosper" et sa couverture François Desprées, représentant. Le secteur dont Major Suttill était responsable s'étendait de Nantes dans les sud aux Ardennes dans le nord, et de l'est à l'ouest de Beauvais en Sologne. Il a organisé environ 70 parachutages de munitions etc. aux groupes de résistance dans ce secteur. Ces parachutages étaient executés par le Royal Air Force (l'armée de l'air britannique).
Francis Suttill en uniforme de l'armée britannique et en civil sur une carte d'identité française datant de 1943
Avec l'aimable autorisation de Francis Suttill, fils du major Suttill
Le groupe du Mans dans le Sarthe, s'appelait "Satirist Physician"; c'est à ce groupe que le centre de résistance d'Ancinnes appartenait. Major Suttill avait donné la responsabilité d'organiser les centres de résistance de Satirist à un agent Mauritien de nationalité britannique, Joseph France Antelme.
Le Comte Arthur de Montalembert, propriétaire foncier d'Ancinnes, a été recruté pour créer le centre d'Ancinnes. Montalembert habitait sa ferme "le Vaubezon", qui se trouve à l'est d'Ancinnes, près de la forêt et de l'étang de Vaubezon dans la route à Neufchatel. Le groupe de résistants Ancinnois a été organisé en 1943 et comportait de Montalembert, Paul Lottin (mécanicien/marechal-ferand), André Malo (valet de ferme), Paul Drecq (receveur de PTT) et l'Abbé Luçon, le prêtre du village.
l'Abbé Luçon est entré dans la Résistance au Mans en janvier 1941; pendant son séjour au Mans il a entraîné les jeunes des patronages dans la Résistance jusqu'au fin de 1942. Il a pris contact avec le groupe d'Ancinnes en fevrier 1943.
Un agent français, Octave Simon, a organisé les parachutages; il avait précédemment fait partie du groupe "Autogiro" jusqu'à son effondrement en 1942. Simon était sculpteur et il connaissaît beaucoup de grandes familles du nord de la Sarthe. Simon communiquait avec SOE Londres par l'intermédiaire de l'opérateur de radio de Major Suttill, Gilbert Norman.
Un parachutage a été organisé sur Ancinnes pour la nuit de 14-15 juin 1943, le groupe d'Ancinnes averti par un message transmis par le BBC "Elle est bleue aux fleurs rouge".
La zone de largage ou "Drop Zone" (DZ) a été arrangée sur la parcelle "la Valtaurine", qui appartient à la ferme "Pouplain", qui se trouve sur le plateau au sud-est d'Ancinnes. C'est probable que la DZ aurait été choisi par Simon et approuvé par le Major Suttill ou par Antelme.
Zone de largage "La Valtaurine" août 2007 - la haie indique la position du fossée où on a caché les récipients
2 tonnes d'explosifs et d'armes et un poste émetteur sont largués par parachute à 23.00h, le 14 juin 1943, une nuit chaude et claire. Les 10 récipients seront récuperés par Montalembert, Lottin, Drecq et Malo, aidé par Cellier, chef du centre de la Quinte, un village proche du Mans.
Une partie des armes est transportée dans une parcelle de terrain "la Garenne", dans le Bois de Vaubezon. Les autres contenairs sont cachés temporairement dans un fossé, dans l'attente de leur transport pendant les nuits suivants. Les armes ont été transportés de leur cachette provisoire à l'aide d'une vachère prêtée par M. Drouin de Louvigny, et d'un cheval de M. Larpent, maire de Livet. Ces messieurs ont été récompensés avec friandises, café et cigarettes, qui étaient dans les contenairs du parachutage.
"La Garenne" août 2007 - le chemin du "Passe Vite" à Livet suivait le bord du bois à l'époque; en face, nous trouvons la caverne où ils ont caché les armes dans le taillis
La caverne dans "la Garenne" dans le "Bois de Vaubezon" où les résistants ont caché les armes et munitions. Photo août 2007 - l'entrée est bloquée de nos jours par des debris
L'émetteur de radio a été transporté à la ferme du Compte Montalembert à "Le Vaubezon", et installé dans la tour d'un bâtiment agricole (malheureusement démoli après la guerre).
"Le Vaubezon" - la tour de la ferme
Le 24 juin 1943 Major Suttill et Norman sont capturés par le Gestapo; Major Suttill sera torturé pendant plusieurs jours. Pour raisons inconnues, Norman a coopéré avec ses capteurs et a évité la torture; il a aidé le Gestapo dans leur interrogation des autres personnages du réseau. Plus tard, Norman sera tué à Mauthausen le 6 septembre 1944; Major Suttill sera fusillé le 23 mars 1945 à Sachsenhausen.
Simon a échappé au rassemblement et est parvenu à Londres vers la fin de 1943. Il a été formé par SOE mais a parachuté directement dans un guèt-apens allemand le 7 Mars 1944. Il sera fusillé dans le camp de concentration de Gross-Rosen. Antelme a souffert la même destin, tombé dans un guèt-apens à Daon, Mayenne, le 29 fevrier 1944 et fusillé en septembre à Gross-Rosen.
Les armes et le matériel lâchés sur Ancinnes étaient destinés au groupe de résistance de Falaise, pas à l'utilisation des résistants d'Ancinnes eux-mêmes. 300kg du matériel a été recuperée par deux résistants de Falaise, Jean-Michel Cauchy et un certain Leroy, la nuit du 25-26ème juin, peu après l'arrestation de Major Suttill et de Norman. Cauchy, dit Paul de Falaise, dit Paul Sapin, était le chef du groupe de Falaise. Ces deux résistants devaient rassembler le reste des munitions le 2 juillet mais ont été arrêtés par la Gestapo le jour avant; donc les autres munitions n'ont jamais été recuperées.
Logis des Moullins
Récemment, une cachette substantielle d'obus antichar et de munitions ont été découvertes dans une latrine d'un manoir local "le Logis du Moullins" - est-ce que ceci pourrait être relié au parachutage d'Ancinnes? Possible, mais il n'y a pas de preuves.
Le 27 juin Lottin a transporté trois bacs d'armes et d'explosifs chez lui, où il les a cachés dans son bûcher.
Le 9 juillet 1943, une semaine après l'arrestation des membres de résistance de Falaise, deux hommes de la Gestapo (selon le témoignage de M Malo) ou de la "Feldgendarmerie" (la Police Militaire allemande, selon le rapport du capitaine de la gendarmerie de Mamers) sont arrivées dans une voiture avec "un civil" pour arrêter les résistants d'Ancinnes Lottin, Malo et Drecq.
Une théorie dit que le "civil" était le chef du groupe de Falaise, Cauchy, torturé et forcé de trahir le groupe d'Ancinnes pendant son interrogation, mais cette idée est fondée sur rumeur sans preuve. Une autre théorie dit que le group avait été dénoncé par M. René Rollet, un mécanicien aussi. Rollet va comparaître à la Cour de Justice après la Libération pour avoir dénoncé Lottin à deux reprises, ces faits enregistrés dans "Le Maine Libre" du 14 décembre 1945. Le journal dit qu'il sera condamné pour la première: c'est-à-dire une lettre anonyme aux occupants allemands en 1942 qui a eu pour résultat l'arrestation de Lottin et son mecanicien André Vovard;. Le 19 décembre 1942, Lottin sera imprisonné jusqu'à la fin janvier 1943. Une autre possibilité - le "civil", est-il un "gendarme en civil" ou un policier non-militaire?
En arrivant à Ancinnes, les allemands ont perquisitionné d'abord la maison et l'atelier de Paul Lottin, qui a été immédiatement arrêté dans son atelier. Ils ont trouvé les bacs dans le bûcher. Après son arrestation, il sera déporté à Buchenwald le 29 octobre 1943 et exécuté dans une chambre à gaz à Lublin (Pologne), le 8 mars 1944.
Un peu après, André Malo entend arriver la voiture allemande au "Parc aux Feuges", son domicile chez M Mme Poupard, et emprunte une porte pour s'enfuir. Aperçu par la Police qui lui demandent de se rendre, il s'envole à travers le pré, sous le feu de ses poursuivants; il s'est caché dans un fossé et plus tard dans la soirée il s'est refugié chez Mme. André Pate, "Le Gesmier", une ferme près de la route forestière d'Ancinnes, pas loin du centre du village. Pendant les jours et les mois à venir, plusieurs familles dans la région ont accepté de l'accorder refuge et il entrera aux groupes des résistants de St Lô et de Mamers.
Eglise St Pierre, St Paul où Drecq s'est caché dans le clocher
Paul Drecq s'est évadé par l'arrière de sa maison pendant que son épouse retardait la Feldgendarmerie à la porte d'entrée, en refusant de l'ouvrir; il s'est alors caché pendant plusieurs jours dans le clocher de l'église avec l'aide de l'Abbé Luçon. Le curé l'aidera à obtenir des faux papiers et d'évader les allemands qui le traquent.
Arthur de Montalembert n'était pas chez lui au "Vaubezon" le jour de l'incursion, étant parti à Paris, mais a été arrêté plus tard à la maison d'un ami au Mans le 5 octobre 1943. Ils ont été déportés dans un camp de concentration "Mauthausen" où de Montalembert est mort le 17 décembre 1944.
L'Abbé Luçon, après avoir caché Drecq dans le clocher de léglise, a contacté premièrement le centre de Résistance de la Quinte et secondement le groupe de lagendarmerie de Coulans, qui l'a aidé à livrer des faux papiers à Drecq. Puis il est entré au groupe de Mamers et a rempli des missions diverses - liaisons, vol d'armes allemandes,sabotage de lignes téléphoniques, etc. Le 11 août 1944 il a franchi le "No-Mans Land" pour informer les officiers françis de la 2.D.B concernant les positions allemands dans le village d'Ancinnes.
André Malo et Paul Drecq sont revenus au village aprés la Libération; ils avaient vécu clandestinement dans diverses régions de l'Ouest sous plusieurs identités. Après la guerre, Malo était propriétaire de l'épicerie d'Ancinnes et plus tard est devenu maire - son épouse habite toujours ici, de même son beau-frère Raymond Tessier (soeur et frère d'un autre membre de résistance, Aimé Tessier, un maquisard).
Rollet a été arrêté et attaché à un poteau à l'entrée du bourg, où il est soumis aux invectives et aux coups des passants. Il est épargné d'une exécution sommaire par l'intervention de l'Abbé Luçon et remis à la Justice Française; il sera condamné à 7 ans de réclusion et 20 ans d'interdiction de séjour pour avoir denonçé Paul Lottin en 1942, mais on n'a pas prouvé son trahison de 9 juillet 1943.
André Malo a rapporté qu'un autre parachutage a été programmée entre le 7 et le 10 juillet 1943, mais était abandonnée après les evenements graves du 9 juillet à Ancinnes.
La Libération d'Ancinnes – 11 août 1944
La Deuxième Division Blindée française (2DB) sous le commandement du Général Leclerc a commencé à débarquer la nuit du 31 juillet au 1er août 1944; elle fait partie de la III US Army du Général Patton, incorporée à la 5ème US Armour Division et la 79ème US Infantry Division, formant la 15ème Army Corps sous le commandement du Général Haislip.
Après avoir vu le feu à Granville, la 2DB a atteint le Mans de la direction de Rennes le 9 août 1944, peu après la libération de la capitale de la Sarthe par l'armée américaine.
Le 10 août la 2DB, avec l'armée américaine sur son flanc droit, se dirigea directement au nord vers Alençon.
Cette manoeuvre a été conçue pour piéger l'armée allemande près de Falaise et d'Argentan (au nord d'Alençon) en pleine retraite vers l'est ayant quitté le littoral de la Normandie. Plusieurs centaines de milliers de soldats allemands seraient par la suite encerclés et capturés dans ce secteur, action reconnue comme “la Poche de Falaise”.
Une série d'escarmouches sanglantes a eu lieu entre les armées alliées avançant vers le nord et l'arrière-garde allemande qui essayait de retarder les alliés pour leurs camarades pendant qu'ils se repliaient vers l'est. Parmi les forces allemands on trouverait les blindés de la redoutable 9ème Division Panzer avec ses chars lourds "Tigres".
Ancinnes constituait une position stratégique importante pour l'armée allemande, situé tout proche de la forêt de Perseigne qui abritait un grand contingent de chars allemands de réserve et avait des dépôts importantes de munitions; et sa position élevée offrait des vues claires sur la campagne. En conséquence, des postes d'observation ont été situés autour d'Ancinnes pour avertir la commande allemande de tout activité des Alliées, aussi bien sur la terre que dans le ciel. Une poste de commande allemande se situait à Ancinnes, avec le personnel cantonné dans les logements réquisitionnés.
A partir du début juillet, les divisions blindées allemandes ont occupé des positions défensives dans plusieurs villages aux lisières de la forêt de Perseigne, y compris Ancinnes.
Le long du 11 et du 12 août 1944 environ 300 chars, automitrailleuses et autres blindés allemands se sont déplacés de la forêt de Perseigne pour occuper la forêt d'Ecouves au nord d'Alençon. Le matin du 11 août, le Génie allemande a commencé à détruire les dépôts de munitions dans la forêt de Perseigne.
Le matin du 11 août 1944, des unités de la 2DB française, chars et infanterie du R.M.T., ont avancé vers Ancinnes et Louvigny de Rouessé-Fontaine au sud. Les chars allemands ont émergé de la forêt et ont pris des positions défensives sur les routes qui menaient à Ancinnes. Ceux-ci ont été renforcés par encore d'autres chars allemands, semi-chenillés ("Halftracks") et véhicules blindés vers le midi. Vers la fin du matin, une douzaine de chars moyens allemands et des autres blindés circulaient au centre de village, ainsi que 5 ou 6 chars lourds et moyens sur les périphéries du village. Au début de l’après-midi ceux-ci avaient pris position au sud et au sud-est du village, embusqués dans les haies et les bois, attendant l'arrivée de la 2DB qui avançait vers Ancinnes. A cette heure un avion américain d'observation, qui survolait le secteur, a mitraillé et détruit un camion ravitailleur allemand près de “l’Oisellerie” sur le D19.
Positions défensives allemandes et l'itinéraire du 2.D.B. à Ancinnes (AXE “C”)
Les chars et les automitrailleuses se sont installés dans ces lieux :
- Au centre du village à “le Chesnay”, où la route à Rouessé-Fontaine et à Ancinette rejoint la D106 à Bourg le Roi.
- Aux abords du village à “le Gesmier”, près de la route forestière, à l’orée de la forêt.
- Au sud-est, près de la ferme “le Pressoir”.
- Sur le D19 au nord-est d'Ancinnes direction Alençon, près du “parc des Feuges”
- Le long de la route à l'extrémité nord du village, qui mène à “Ville Gagnée” et “les Ormeaux”.
- Dans le “Bois de Navrotte”, à l'extrémité nord-est de le chemin de terre le “Passe-Vite” qui traverse la crête de la colline au sud-est d'Ancinnes, entre le D19 et la route d’Ancinnes à Rouessé-Fontaine.
- Dans la vallée du ruisseau “la Semelle”, près de la ferme “Montguillon”, au-dessous du “Bois de Navrotte”.
- D'autres postes de mitrailleuse ont été situés dans les ruelles et les bordures de haies autour d’Ancinnes.
Evénements principaux pendant la libération d'Ancinnes, 11 août 1944
Au début de l'après-midi du 11 août 1944, une colonne de la 2DB est arrivée aux périphéries méridionales d'Ancinnes, comprenant trois pelotons de char (chars légers Cadillac M-5A1 "Stuart" et chars médium "Sherman") de la 12ème R.C.A. (Régiment de Chasseurs d'Afrique) et des éléments des 5ème et 6ème compagnies du 2ème bataillon du R.M.T. (Regiment de Marche du TChad) commandés par le capitaine Langlois de Bazillac.
Char M5A1 "Stuart"
Char M3 "Sherman"
La colonne entière était sous la commande du capitaine Rogier, suivant les ordres du Cdt Jacques Massu.
Ils ont approché Ancinnes par la route d'Ancinette, ayant vécu une bataille féroce près de Rouessé-Fontaine, pendant lequel le char léger “Berry” avait été détruit avec la perte de deux servants. Une autre colonne blindée approche simultanément Louvigny à l'est d'Ancinnes.
La première escarmouche a eu lieu à 15.30h quand l’avant-garde de l'infanterie portée française se fait tirer dessus par des mitrailleuses allemandes installées dans des haies au carrefour avec la voie le “Passe Vite”, juste après la ferme “St Michel du Tertre”.
Les officiers français ont décidé d’effectuer une traversée de la crête par le “Passe Vite” au sud-est du village; leur intention est de joindre la D19 et d'entrer Ancinnes par cette route, évitant les défenses allemandes au sud du village. Le “Passe Vite” à cette époque était un chemin de terre étroit (maintenant goudronné) qui traverse la crête de la colline, avec une très forte dénivellation sur le côté Ancinnes et un fossé et un talus de terre un mètre de hauteur sur l'autre. Ils ont choisi cet itinéraire plutôt que d'essayer de croiser la campagne ouverte du plateau à l'est d'Ancinnes, parce que l'autre colonne de la 2DB, qui est arrivée à Louvigny, avait rapporté la présence des chars lourds allemands embusqués sur ce plateau.
Un peloton de trois chars légers (type Cadillac M-5A1 "Stuart") ont commencé à traverser le long du “Passe Vite” en tête le “Poitou”, ses servants Dante Cerruti, Gaston Fievet, Gilbert Gobillot et Pierre Mamotte; le “Perche”, ses servants Duzabeau, Boucher, Landon et Such; et le “Normandie”, ses servants lieutenant de Truchis, Drilliera, A. Peudennier et Vallée. Ceux-ci sont suivis par les transporteurs semi-chenillés de l'infanterie du R.M.T.
Le “Poitou” : Cdr Cerruti à gauche
Ils ont dépassé les maisons “la Butte” et “le Coudray” sans incident, bien qu'ils aient été sans aucun doute aperçus par les postes d’observation allemands situés dans la vallée. Soudainement le char “Poitou” était perforé par un obus perforant de 75mm reçu de face, tiré par un char lourd allemand caché dans le “Bois de Navrotte”, où le “Passe Vite” rejoint le D19.
Ensuite, le “Poitou” a été percé sur son flanc gauche par un obus de 37mm à la hauteur du moteur, qui a immobilisé le char. Le pilote, Gaston Fievet, a été tué immédiatement; les servants survivants du “Poitou” ont abandonné le char tandis que les fantassins sont sautés des Halftracks pour porter secours, longeant les haies. Le co-pilote, Gilbert Gobillot, est mort de ses blessures près du char; le tireur/radio, Pierre Namotte, a été sérieusement blessé et évacué à l'hôpital américain à Yvre l’Eveque; seul le chef du char, Dante Cerruti, est sorti rescapé à gauche dans le photo ci-dessus).
Les Fantassins français ont engagé les postes de mitrailleuses allemandes dans la vallée au-dessous du “Passe Vite”, au sud de la ferme “la Christophière”; pendant ce combat, une douzaine des soldats d'infanterie Français seront blessés, deux sérieusement (Sgt Pastourel et Medina privé). Malgré le fusillade des mitrailles, une jeune fille, Rachel Saillant, est venue de la ferme “le Coudray” avec des pansements et une bouteille d’eau de vie pour soulager les blessés français.
Une fois le “Passe Vite” tenu, des mitrailleuses françaises et des canons antichar ont été établis dans la vallée de la Semelle et sur la route.
Les deux chars légers “Perche” et “Normandie” et les Halftracks de la colonne, leur passage bloqué par le “Poitou”, ont dû reculer délicatement en marche arrière au carrefour de la route d'Ancinette et descendre le chemin pour une attaque sur Ancinnes par le sud. Un peloton des chars moyens Sherman, celui du Lieutenant Truchis en tête, a tenté cette approche alternative à Ancinnes.
La colonne blindée française est tombée dans un autre guet-apens, cette fois dans une courbe routière près de la ferme “le Fresne”; il se fait tirer dessus par l'artillerie antichar allemande un kilomètre plus loin, au centre du village près de la maison “le Chesnay”. Un duel d'artillerie se déclenche qui continue pendant une heure, sans aucun terrain gagné par la colonne française.
Une reconnaissance de 3 soldats d'infanterie a été expédiée par Cne Rogier afin de déterminer la position des blindés allemands cachés aux abords du village. Ils ont approché le village à pied, rampant le long de la bordure de haies, mais l’avant-garde de trois hommes est mitraillée à bout portant par des allemands cachés dans un fosse abrité d’une haie. Deux d'entre eux sont tués (l'adjutant-chef Léon Pagnoux et l'adjutant Dominique Missoffe), mais le troisième (le soldat Taburet, blessé) est parvenu à s'échapper. Les soldats morts seraient enterrés le soir même dans le jardin de la ferme “Geneslay”, où une stèle à leur mémoire a été érigé en 1982.
La Stèle à "le Geneslay"
A 18.00h les français sont encore goupillés près de la ferme “le Fresne”, un kilomètre distant du centre de village. Pour supprimer les défenses allemandes, les forces françaises ont demandé de faire intervenir l’armée de l'air américaine.
Pour éviter la possibilité d'une contre-attaque allemande de la direction de “Montguillon” à l'est, ou encore des blindés allemands près de “Montregnier” et “Vaubezon”, le troisième peloton de chars moyens (Adjutant Titeux) a pris des positions défensives à l'est d’Ancinnes à 18.00h. à ce moment, une autre colonne de la 2DB s’est avancée de Louvigny vers “Aubépine” et “Montregnier” sur le plateau au-dessus d'Ancinnes, afin d'empêcher les blindés allemands restants dans la forêt de Perseigne de s’infiltrer entre les deux forces alliées.
C'était aussi à ce moment que le prêtre d’Ancinnes, Abbé Luçon, est arrivé devant les officiers français, ayant franchi le “No-Man’s Land” entre les forces françaises et allemandes. Il leur a indiqué la position exacte des défenses allemandes de sorte que les Français puissent cibler leurs tirs d’artillerie.
Une mission “commando” de l'infanterie de la 6ème compagnie a été organisée vers l’ouest des positions allemandes, armée avec des grenades incendiaires et fumigènes. Ils ont avancé cachés dans le lit sec d’un ruisseau affluent de la rivière "la Semelle"; leur mission servait partiellement comme diversion, mais aussi pour attaquer tout blindé allemand rencontré sur les abords du village.
À 19.00h environ on a observé plusieurs feux éclatés au sud du village – peut-être des maisons incendiées sous le bombardement d'artillerie, ou des engins allemands sous l'attaque des commandos. Quoi qu'il en soit, les officiers de l'avant-garde française ont décidé que c'était le moment de lancer un autre assaut sur le village avec toutes leurs forces, sans attendre encore l’Air-Support américain, dont il n’y avait pas de nouvelle.
Un peloton de chars moyens Sherman sous lelieutenant Rives a pris l'initiative, accompagné par l'infanterie-portée de la 6ème Compagnie.
Les trois chars type "Sherman", “Iseran”, “Savoie” et “Valserine”, ont fait des progrès rapides vers le village, et des obus fusaient sur les Allemands présumés près du “Chesnay”, la maison de M. Mme. Barre. Croyant qu'il pourrait y avoir des chars ennemis cachés derrière cette maison, le commandant du char “Iseran”, MdL Pierre Forest, a tiré trois obus 75mm à travers “le Chesnay”; de cette façon il a détruit non seulement la maison, mais également deux blindés allemands équipés de canons antichar de 37mm, cachés derrière la maison sur la route vers Bourg le Roi.
2 Blindés chenillés allemands détruits à “le Chesnay”
Lieu dit "Le Chesnay" 2007
Tournant à droite, vers le carrefour au centre du village, le char “Savoie” a pris la tête, mais a été touché par deux lance-grenades (Panzerfaust) tirés d'un de nombreux nids de mitrailleuses allemands situés dans les bâtiments et cours autour du carrefour. Les charges ont touché la tourelle et le canon et ont blessé Lieutenant Rives, chef de char et de peloton, et Robert Montagne, radio. Le canon inutilisable, le char pouvait néanmoins se replier hors de danger, sous la protection du char “Iseran”, qui a tiré sur les nids de mitrailleuses, alors que la 6ème compagnie du R.M.T. engageait également ces positions ennemies.
Les servants du char “Iseran” Lebegue, Jeanteau, Tiercelin, Forest avec un 5ème homme Guichard (à droite)
Jeanteau, Tiercelin, Lebegue et Forest à côté du char “Iseran”
Malgré ses blessures aux jambes et au visage, lieutenant Rives a pris la commande du char “Valserine” et recommencé l'attaque dans le centre de village, doublant le char “Savoie” abandonné. Le char “Valserine” tire et détruit une automitrailleuse chenillée allemande équipée de deux canons 50mm antichar, caché dans la cour d'une maison.
Maintenant les chars sont obligés de reculer une centaine de mètres pour attendre des renforts d'Infanterie; les renforts arrivent, les chars reprennent l'assaut. Une seconde automitrailleuse a été détruite par un bazooka de la 6ème Compagnie, et un semi-chenillé SdK armée d'un canon 75mm détruit par le char “Valserine”, près de la grange de Mme. Juliette Moreau, 8 rue de la Libération.
Semi-chenillé détruit par le char “Valserine”
8 rue de la Libération en 2007
La colonne attend encore des renforts d'Infanterie portée avant de continuer avec une troisième assaut.
La résistance allemande était féroce, mais la troisième attaque française a capturé la partie nord du village et Ancinnes est presque libéré; un semi-chenillé armé d’un obusier a été détruit par un char français près de l’ancienne Mairie au nord du village, un événement qui a incendié deux granges à coté. Un camion de munitions a été également incendié par les tirs d’un char français au nord du village près de “les Guillebaudières”. Pendant la soirée l'infanterie française a fouillé les maisons et les cours pour déloger des soldats allemands isolés.
Les Allemands se sont retirés lentement par la route forestière vers “la Louverie” sur la lisière de la forêt, aux abords du village. Les forces françaises ont finalement bivouaqué dans divers points, et à l'intérieur, et autour du village. Les tirs d’armes automatiques allemandes ont continué sur les positions françaises en fin de soirée. Le secteur près de la ferme “le Vaubézon” à l'est d'Ancinnes n'a pas été abandonné par les Allemands avant 03.00h le 12 août 1944.
Le jour suivant, le 2.D.B. de Leclerc allait avancer et libérer Alençon, d'où les Allemands s'étaient déjà retirés au nord, dans la forêt d'Ecouves.
Les pertes françaises pendant la libération d'Ancinnes étaient:
- 2 morts (Gilbert Gobillot, Gaston Fievet)
- 5 blessés graves
- 1 char léger détruit (“Poitou”)
- 1 char moyen Sherman hors de combat (Savoie)
- 2 morts (Adjudant Léon Pagnoux, Sergent Dominique Missoffe)
- 3 blessés graves (Sgt Pastourel, Soldats Medina et Caburet)
- 15 autres blessés
Tombe de Léon Pagnoux, Cimetière d'Ancinnes
Tombe de Gaston Fievet, Cimetière d'Ancinnes
En plus de la perte de matériel décrite ci-dessus, les défenseurs allemands ont perdu 9 hommes tués au combat et 77 pris le prisonnier. Les pertes matérielles comptaient:
- 2 blindés chenillés avec canons 37mm détruit par le char “Iseran” près de “le Chesnay”
- 1 automitrailleuse équipée de deux canons 50mm antichar, dans la cour d'une maison au centre du village, détruit par le char “Valserine”
- 1 semi-chenillé SdK 251 sur la D108 (8 rue de la Libération) détruit par le char “Valserine”
- 1 automitrailleuse détruite par un bazooka de la 6ème Compagnie R.M.T.
- 1 automitrailleuse armée d’un obusier détruit par un char près de la Mairie
- 1 camion de munitions incendié par un char français près de “les Guillebaudières”.
- 1 camion-citerne d'essence tombé en panne et abandonné sur la D19 au sud de “l’Oisellerie”
- 1 camion-citerne d'essence détruit par avion allié sur la D19 au sud-ouest de “l’Oisellerie”
- 1 voiture en panne abandonnée près de “le Montguillon”
- 1 voiture abandonnée et incendiée près de “le Berry”
La Tombe de la Famille Poirier - Cimetière d'Ancinnes
Il y eu également un nombre de blessés et morts civils; entre 17.00h et 18.00h le 11 août 1944, quatre membres de la famille Poirier, le père et trois enfants âgés 2, 13 et 15, réfugiés de St Germain-du-Corbéis, ont été tués par un obus quand ils s’abritaient dans un chemin creux près de “les Guillebaudières”. Une cinquième civile, Marie Huet, a étée tué dans le même incident. Quatre civils ont été également blessés - Mmes Fernande Defaux, Marcelle Gautier, Ida Brière et Adelaïde Courard.
Le Monument dédié aux Morts de la 2ème D.B. sis en bordure de la RN138/D338 au sud de "Fyè"
Bibliographie
- La 2ème D.B. dans le "Saosnois" Fascicule No. 6; Alexandre AUBRY. Tirage limité 1990
- La Libération de la Sarthe par les gars du Général Leclerc; Jacques Morize. Dupli-Print, août 2006
- Histoire de la Résistance, Série "Que sais-je" No. 429; Henri Michel. Presses Universitaires de France, 1950.
- Les Archives Departmentales de la Sarthe (Le Mans):
- témoinage d'André Malo, 1994;
- Rapport du Capitain Tournemire de la Gendarmerie de Mamers concernant l'arrestation de civils à Ancinnes;
- "Le Maine Libre" 14 décembre, 1944 concernant la condamnation de René Rollet;
- témoinage de Julien Collet, gendarme et résistant à Coulans;
- Commission d'Histoire de l'Occupation et de la Libération de la France (CHOLF) documentation sur l'activité de résistants de la Sarthe.